Interview spéciale de Cristal Han, mannequin de renom et femme d’affaires
Cristal Han est une jeune femme d'affaire à qui le défi ne fait pas peur. Alors qu'elle s'apprête à ouvrir sa boutique spécialisée dans le cheveu crépu au Cameroun, nous avons eu le privilège de l'interviewer.
👉🏿 Présentation du mannequin et entrepreneur Cristal Han
👉🏿 Débriefing sur ses projets actuels et les principales difficultés qu’elle a rencontrées tout au long de sa carrière
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- • Après avoir fait un an en économie et trois ans en Design et Intérieur, que s'est-il passé pour que tu te retrouves propulsée au rang d'experte en cheveux afro ?
- • Aujourd'hui, vous êtes propriétaire d'une boutique à Montréal, d'une marque de perruques et extensions, Coco Cristal. Comment tu t'y es prise pour monter votre affaire ?
- • Que proposais-tu comme article dans ta boutique, du coup ?
- • Cristal, tu es aujourd'hui une professionnelle du cheveu crépu afro-chinois, et une femme d'affaire incroyable. Mais le mannequinat est le levier qui t'a propulsé à ce niveau. Peux-tu nous raconter comment tes débuts dans le mannequinat ?
- • Est-ce que tu prévois aussi d'implanter tes entreprises au Cameroun ?
- • Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées dans ton parcours de mannequin et dans celui de femme d'affaires ?
Fruit d’un amour idyllique entre un natif chinois et une ressortissante camerounaise très connue, Henza Benty, styliste, modéliste et chanteuse, Cristal Han connait une enfance plutôt heureuse. Née le 27 Déc au Cameroun, elle y commence ses études primaires.
Quelque temps après, elle rejoint ses grands-parents en Chine et y réside jusqu’à l’âge de 14 ans, avant de retourner au Cameroun auprès de ses parents. Et c’est durant cette période qu’elle fait son entrée dans le milieu du mannequinat. Tout en poursuivant ses études, elle multiplie les défilés pour de grands stylistes camerounais et étrangers alors qu’elle n’a que 15 ans.
À l’âge de 18 ans, après l’obtention de son baccalauréat, elle s’envole pour le Canada où elle va connaître un parcours académique atypique. En effet, Cristal Han se faufile entre l’université de Montréal et l’UQAM. Après trois ans à l’UQAM, le Design Intérieur n’a plus aucun secret pour elle.
Durant son stage, elle se heurte à une triste réalité : il est assez compliqué de se faire une place rapidement dans le milieu du design au Canada. Pour cause, elle n’a pas autant de contact à Montréal qu’au Cameroun. Elle effectue donc une reconversion et se lance dans le domaine capillaire, ce qui lui réussit pas mal depuis lors.
Nous avons eu le privilège de dégoter un entretien avec la jeune femme, au cours duquel elle nous a tout raconté. Écoutez…
Après avoir fait un an en économie et trois ans en Design et Intérieur, que s’est-il passé pour que tu te retrouves propulsée au rang d’experte en cheveux afro ?
Après mes trois années d’études en Design et Intérieur. J’ai fait des stages sur Montréal, malheureusement, je n’avais pas le même carnet d’adresses du Cameroun pour grimper rapidement les échelons. Des journées remplies de tâches basiques et à monter des plans répétitifs n’était pas stimulant et j’ai pris la décision d’arrêter.
Dans la quête de mes nouveaux horizons, je suis resté fidèle au mannequinat. En tant que mannequin indépendant, je cherchais mes propres contrats jusqu’à me faire une petite place dans le milieu de la mode Montréalaise. C’est le mannequinat qui m’a permis de faire mon entrée dans le milieu de la coiffure. C’était le tout début du mouvement Happy to be Nappy ou les hair stylist n’avaient aucune connaissance du cheveu Afro, n’en parlons de mes cheveux afro-asiatiques. Cette journée-là j’étais mannequin, et moi, on me coiffait. Je me suis fait remarquer par le chef coiffeur qui était présent et attentif.
Il m’a entendu donner des instructions à sa collègue pour obtenir la coiffure désirée par le styliste de mode. Suite à ça, il est venu me coiffer. On a échangé longuement sur la matière et en même temps, j’aidais à coiffer mes autres collègues mannequins aux cheveux Afro… Et là, il s’exclame « ah ! Ce serait intéressant si tu pouvais intégrer l’équipe avec de petites prestations et on verrait la suite. »
Je lui réponds avec sincérité « je n’ai pas appris la coiffure à l’école Mr. » Il m’a dit, on verra, ça va aller, pas besoin de l’école des froids dans les métiers d’arts. J’ai vu comment tu utilises tes mains et tu as le talent. »
Et c’est ainsi que j’intègre alors l’équipe de la marque Pantène Et j’y ai fait cinq ans. Où je me suis également formée pour la haute coiffure européenne auprès de mon mentor Dénis Binet, j’ai évolué par la suite comme autodidacte dans le domaine des extensions et des perruques capillaires, avec un grand atout de parler couramment la langue paternel, le mandarin (Chine) d’où ces produits sont essentiellement produits.
J’ai cimenté ma place en devenant la spécialiste cheveux afro-asiatiques, extension et perruques. Parce qu’à cette époque, quand j’avais commencé avec Pantene, c’était le début du mouvement Happy to be Nappy aux États-Unis. Du coup, dans l’équipe, il n’y avait personne qui connaissait coiffer ce type de cheveu. Et vu que je m’y connaissais, je suis en quelque sorte devenue indispensable. Et c’est de là que j’ai bâti mon salon-boutique que j’avais.
Aujourd’hui, vous êtes propriétaire d’une boutique à Montréal, d’une marque de perruques et extensions, Coco Cristal. Comment tu t’y es prise pour monter votre affaire ?
Lorsque j’étais en backstage et que j’échangeais avec des mannequins blacks, même celles qui avaient des extensions ou des perruques. personne n’était à même de m’apporter des réponses à la technicité des produits. Je me suis donc intéressé à ce domaine et je me suis dit qu’en tant que chinoise, ça pourrait être une niche pour moi.
Je suis allé en Chine, j’ai fait des appels comme tout bon entrepreneur, via Alibaba à l’époque. j’ai pris rendez-vous et je suis allée dans les usines. À l’époque, il n’y avait pas de grande tête de luxe dans ces zones un peu reculées. En conséquence, j’ai dû manger en bordure de route, sur de petits bancs.
C’était drôle, c’était un peu comme au Cameroun, mais c’était drôle de voir ça en Chine parce que plus jeune, j’avais juste fait Pékin qui était la grande ville. Mes grands-parents sont d’anciens combattants de la deuxième Guerre Mondiale, donc l’environnement dans lequel ils résident était très paisible. Ils étaient assez carrés et c’est grâce à eux que je suis assez disciplinée dans ma vie et dans mon entrepreneuriat, puisqu’à 23 ans, j’avais déjà mon salon boutique à Montréal.
Pour le reste, j’étais autodidacte, je me suis battue toute seule à comprendre d’où viennent les extensions, à connaître les différents types. Il y a beaucoup de mythes qui sont faux, notamment ceux sur la différenciation : malaisiennes, indiennes, péruviennes, brésiliennes, etc. Ce ne sont que des mots commerciaux, ça n’existe pas.
Soyons logique pour un instant, quel sont les pays les plus peuplés pour satisfaire la clientèle mondiale en cheveux naturels ? Il n’y en a pas des tonnes ! C’est l’Inde et la Chine. Et le mythe des mèches brésiliennes, ce sont des Afrodescendants aux cheveux Afro et mix comme partout en Afrique ! Je vous laisse continuer sur cette réflexion ! (Rire)
Que proposais-tu comme article dans ta boutique, du coup ?
J’ai importé les extensions depuis la Chine ainsi que les perruques. Je fonctionne sur rendez-vous, en salon ou sur set, ce qui fait que mon salon n’était pas ouvert au grand public.
Du coup, j’avais deux clientèles, une qui demandait la discrétion à cause de leur état de santés, cancer… alopécie et l’autre côté des clients assez prisés comme la fille de Michelle Sardou, plusieurs actrices américaines, Gabrielle Denis, Ashley Nicole Black, Quinta Brunson (écrivaine /productrice américaine), plusieurs actrices québécoises Véronique Gallant, Marie-José longchamp et la petite étoile montante schelby Jean-Baptiste .
Grâce à Pantene, j‘ai pu faire des prestations, des défilés comme ceux de Jean-Paul Gauthier, Helmer Joseph qui est assez connu dans le milieu de la mode en Afrique comme en Europe. Semaine de la mode et festival mode et design, etc.
Cristal, tu es aujourd’hui une professionnelle du cheveu crépu afro-chinois, et une femme d’affaire incroyable. Mais le mannequinat est le levier qui t’a propulsé à ce niveau. Peux-tu nous raconter comment tes débuts dans le mannequinat ?
J’ai commencé le mannequinat au Cameroun. Ma mère était déjà styliste, modéliste et chanteuse. Je l’aidais déjà en backstage lors des défilés lorsque j’avais 14 ans. Mon premier défilé, c’était pour le créateur Djeman au musée national.
Il manquait un mannequin. Moi, j’étais dans les loges en train d’aider maman à habiller les mannequins. Et puis, tonton Djeman me voit dans la foule. Il suggère à ma mère de me faire défiler, mais elle n’est pas d’accord. Lorsqu’elle a tourné le dos pour aller s’occuper d’autre chose, il m’a très rapidement habillée. Lorsque ma mère est arrivée, je me suis retrouvée sur le catwalk.
C’est ainsi qu’il s’est passé, mon premier défilé. Et puisque je l’ai réussi le catwalk sans entraînement, ma mère, ma mère était fière de moi. Et c’est comme ça que c’est parti. Donc à l’âge de 15 ans, je faisais déjà des défilés avec des créateurs tels que Oumou Sy (Sénégal), Alphadi (Niger) ou Gilles Touré (côte ivoire). J’ai défilé pour toutes ces personnalités lorsque j’étais encore au collège ici au Cameroun.
Ainsi, quand j’arrive à l’étranger(Canada), ce n’est que la continuité de ce que j’avais déjà entamé quelques années plus tôt. Je n’avais pas intégré d’agence parce que mon look n’était pas apprécié à l’époque. Une asiatique avec des cheveux afro n’était pas très commode avant Happy to be Nappy. À l’époque, un mannequin asiatique devait avoir le visage pâle, des cheveux noirs et lissés, un visage Barbie en quelque sorte.
Mon parcours n’a vraiment pas été planifié. Tout est arrivé par le hasard de l’univers.
Est-ce que tu prévois aussi d’implanter tes entreprises au Cameroun ?
Je prévois d’ouvrir d’ici au mois de février 2023, une boutique de vente de perruques et d’aussi, d’accessoires de mode comme des sacs et autres accessoires de marque.
Bien évidemment, ce sont les perruques et extensions de ma structure que je mettrai en vente dans cette boutique. Après le lancement, je vais retourner à Montréal pour continuer de gérer mes autres entreprises et projet.
Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées dans ton parcours de mannequin et dans celui de femme d’affaires ?
Pour le mannequinat, le fait que j’ai des origines afros n’a pas aidé du tout. Je dois dire que ce fut le premier obstacle. Et puis, les mannequins afros où sois asiatique sont toujours minoritaires, puisque lorsqu’une grande agence a deux ou quatre mannequins de couleur, elle n’en prendra plus d’autres. Du coup, il faut être capable de se trouver et de négocier soi-même ses contrats. Et ce n’est pas du tout évident parce que ça prend énormément de temps.
Il faut faire énormément de recherche pour trouver des castings et se faire embaucher, se faire connaître dans le milieu afin de pouvoir être contacté directement. Mais lorsqu’on est déjà connu, les contrats viennent plus facilement. Mais on ne peut pas leur en vouloir de privilégier des mannequins occidentales parce que la plupart de leurs clients sont des occidentaux.
L’entrepreneuriat, par contre, a été plus facile. Le fait que je parle, j’écris et je lis couramment le mandarin, m’a donné pas mal de facilités pour trouver des manufacturiers. Ça m’a également permis de comprendre le cheveu et de connaître les produits qui correspondent à leur entretien. La partie la plus compliquée, c’est la publicité, se faire connaître.
À l’époque, je n’avais pas le bagage que j’ai actuellement. J’ai dû le construire progressivement tout comme ma notoriété. Et le fait de coiffer pas mal de célébrités m’a énormément aidé. J’ai pu assister à des séminaires d’affaires de prestige aux USA ! J’ai pu rencontrer John Travolta, Calvin Klein et d’autres, ce qui a largement contribué à la construction de l’image de ma marque.
Parfois, il arrive qu’on ait envie de se décourager. On a envie de prendre n’importe quel client, de travailler avec n’importe qui parce qu’on n’ignore la valeur de ce qu’on apporte. Mais lorsqu’on se rend compte qu’on travaille plus qu’il n’en faut, on prend conscience et on redéfinit ses priorités et la catégorie de la cible qu’on vise.
Ne jamais s’arrêter, toujours continuer à s’enrichir par des formations, des séminaires d’affaires. Le business, la vie est une école sans fin si tu veux rester au top. Et la confiance en soi et l’audace est l’ingrédient magique au succès absolu.
J’ai touché à bcp de matière : mannequinat, directrice artistique/ coordinatrice pour le black Fashion week par Adam Paris, pour des salons de mariage, des lookbook, des éditoriaux pour des magazines…. J’ai fait de la photographie, du maquillage… avant de trouver ma voix. Mais tout ce parcours a été formateur pour m’aider à être qui je suis et fière d’être à ce jour.
Ne jamais se décourager, y a toujours des solutions à toute circonstance ! Positivé en tout temps !
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À propos de l'auteur, Yvan Styve Guintang Ngoué
Diplômé d'une licence en sciences politiques, je suis passionné par les métiers de la communication. Un amoureux des mots qui essaie de les manier avec le plus grand respect et toujours un soupçon de sophistication.