Thierry Videke ou l’artisan des savoirs et de la culture africaine

À l’ère de la mondialisation et de la révolution numérique, Thierry Videke a choisi de s’identifier comme le représentant de l’Afrique. En effet, l’informaticien togolais s’est donné pour mission de répondre aux attentes de tout un continent.

Suite à la limitation des sources liées à l’histoire africaine, l’informaticien et cinéaste a entrepris un long périple vers la restauration de l’identité africaine. À cet effet, Thierry Videke a conçu Wikitatafrik.

Une encyclopédie similaire à Wikipédia, mais dédiée à la préservation du patrimoine culturel africain. Pour le plus grand plaisir de ses lecteurs, Newstories Africa est allé à la rencontre de Thierry Videke, l’homme aux multiples casquettes.

Qui est Thierry Videke ?

Thierry Videke, de son nom complet Kossi Evenunye VIDEKE, est un informaticien et vidéaste togolais, passionné par la valorisation du patrimoine africain. Né le 27 mai 1990 à Agu-Nyogbo-Dzidzole au Togo, il met son savoir-faire technologique et artistique au service de la préservation et la promotion des récits et figures africains.

Militant pour une représentation authentique de l’Afrique dans le monde numérique, Thierry Videke a été honoré en 2023 par l’AfLIA (African Library and Information Associations and Institutions) au Ghana et AfroCROWD (Afro Free Culture Crowdsourcing Wikimedia) aux États-Unis pour ses contributions remarquables sur l’Afrique.

Newstories Africa : Vous êtes d’abord informaticien, vidéaste, quand est née votre passion pour le cinéma ?

Thierry Videke : « J’ai vu dans la combinaison de l’informatique et de la vidéographie une chance unique d’apporter mon apport culturel en documentant et en partageant des histoires africaines. Mon expérience en tant que réalisateur VFX pour les séries « À la chez nous » et « Oh galère ! » (diffusées vers les années 2000 à la télévision nationale togolaise) ont renforcé cette vision.
En effet, les thématiques abordées m’ont permis de saisir l’impact profond de nos productions sur la société.
En traitant des fléaux qui affectent nos communautés, avec pour objectif de sensibiliser, d’éduquer et de susciter le changement, j’ai réalisé que le cinéma est un outil puissant de transformation sociale.
Pour ainsi dire, il a la capacité unique de toucher les cœurs et d’éveiller les consciences face à des contextes souvent méconnues ou négligées. C’est ainsi que cette passion est devenue un défi : celui de faire entendre la voix de l’Afrique à travers des images qui racontent nos vies. »

Newstories Africa : Comment vous êtes-vous retrouvé avec la casquette de Wikipédien ?

Thierry Videke : « Tout a commencé avec une frustration personnelle. En faisant des recherches sur l’histoire africaine, je me suis rendu compte que nos histoires étaient peu documentées, voire absentes, sur Internet. En effet, nos héros, nos cultures, nos traditions, tout semblait oublié ou raconté de manière incomplète.
Je me suis dit : « Comment les jeunes Africains peuvent-ils être fiers de leurs origines si nos chroniques ne sont pas visibles ? ».
Un jour, poussé par cette envie de changer les choses, j’ai décidé de créer un article sur Wikipédia. C’était sur une personnalité africaine méconnue, mais importante. Voir cet article en ligne, accessible à tous, a été une révélation. J’ai compris que je pouvais contribuer à enrichir le savoir collectif, à faire en sorte que nos parcours soit racontée par nous-mêmes, pour nous-mêmes.
Depuis, je me suis mis à documenter et à partager les récits oubliés de l’Afrique. Être Wikipédien, pour moi, c’est bien plus que remplir des pages : c’est une mission pour que chaque Afrodescendant puisse trouver des modèles, comprendre ses racines et se dire que son histoire compte, tout autant que celle des autres. »

Newstories Africa : Qu’est-ce que « WikiTatafrik » ? 

Thierry Videke : « WikiTatafrik est une encyclopédie africaine dédiée à la préservation et à la diffusion des savoirs, récits et traditions du continent à connotation bénévole. Ce projet vise à combler les lacunes dans la représentation des cultures africaines sur Internet en offrant une plateforme neutre et inclusive, permettant de mieux faire connaître et transmettre le patrimoine africain aux générations actuelles et futures. »

Newstories Africa : D’où vous est venue l’idée de créer « WikiTatafrik » ?

Thierry Videke : « L’idée de WikiTatafrik est née d’une prise de conscience : malgré la richesse des vécus et des cultures qui façonnent l’Afrique, nos réalités sont souvent absentes ou mal documentées sur Internet. En grandissant, j’ai observé que nos moments de gloire et nos challenges quotidiens sont fréquemment négligés ou déformés.
En effet, les grandes encyclopédies traditionnelles, s’appuient généralement sur des sources médiatiques, largement dominées par les narratifs occidentaux. Nos luttes, nos réussites et nos témoignages ne trouvent pas forcément d’écho dans les grandes encyclopédies de référence, généralement, parce qu’elles ne bénéficient pas de la visibilité nécessaire.
Ce manque de représentation m’a fait réaliser qu’il était urgent de créer un espace dans lequel l’Afrique pourrait raconter sa propre histoire. Une version qui ne dépend pas des récits écrits populaires. WikiTatafrik est née de cette volonté de permettre aux Africains eux-mêmes de documenter et de partager leurs récits de manière accessible et authentique. »

Newstories Africa : Quel est le but de « WikiTatafrik » ?

Thierry Videke : « Le but de WikiTatafrik est de promouvoir un panafricanisme numérique en offrant une plateforme dédiée à la préservation et à la valorisation du patrimoine culturel africain. Grâce à une édition collaborative, supervisée par un comité d’experts et de chercheurs africains, je voudrais créer une ressource fiable et accessible.
Une encyclopédie qui reflète la richesse et la diversité des réalités africaines en s’appuyant sur des principes de notoriété et d’exactitude. En outre, ce projet cherche à renforcer l’identité collective et la fierté africaine en permettant à chaque Africain de contribuer à la construction d’une mémoire partagée. »

Newstories Africa : Travaillez-vous seuls ou en collaboration avec des organismes ou des particuliers ?

Thierry Videke : « Je ne travaille pas seul puisqu’une encyclopédie de cette envergure demande un investissement important en temps et en ressources. WikiTatafrik repose sur une collaboration active avec un groupe de bénévoles variés, comprenant des associations, des bibliothèques et des médias.
En effet, cela est fait pour garantir la conformité et la diversité des informations. La plateforme permet également une collaboration en ligne ouverte. Ainsi, chacun peut partager ses connaissances de manière neutre, sans caractère publicitaire.
Toutefois, malgré ces efforts collectifs, nous avons besoin du soutien des panafricains et des influenceurs pour élargir l’impact de WikiTatafrik. Leur engagement est crucial pour garantir que ce projet devienne un véritable outil de référence pour l’Afrique et au-delà. »

Newstories Africa : Avez-vous déjà pensé à partager votre passion ?

Thierry Videke : « Oui, partager ma passion constitue une mission qui m’anime profondément. Je m’engage activement en prenant part à des conférences, des formations et des ateliers Wikimedia. Cela, afin de sensibiliser le public à l’importance de notre patrimoine culturel et à une utilisation responsable du numérique.
Mon livre « Internet sans dangers », publié en 2017 sous licence gratuite, illustre cette perspective en proposant des outils pratiques pour la protection des données personnelles en ligne.
Je crois fermement qu’en inspirant les autres, nous construisons une chaîne d’histoires qui relie les générations. C’est ma façon de contribuer à l’Afrique de demain ».